dimanche 20 février 2011

Révolutions à toutes les sauces.


Les révolutions sont à la mode en ce moment. Dans certaines parties du monde en tout cas.
En France, la question est sur toutes les lèvres du NPA au Parti de Gauche : le parfum de la révolution pourra-t-il un jour s’étendre jusqu’à nos vertes contrées ? Le peuple français se soulèvera-t-il comme un seul homme pour renverser le despote local ?
Intéressant d’imaginer que, dans la France d’aujourd’hui, certains continuent à appeler de leurs vœux un renversement et un changement de régime avec plus ou moins de dégâts collatéraux. Pourtant, de nos jours, « révolution » est un mot qui sonne très 18e siècle. Ou début du 20e au mieux. Facile dès lors de mettre toutes ces opinions de côté, au rayon « gentils passéistes » ou « vieux barbus abonné à Pif Gadget » (je tiens à dire que je n’ai rien contre ce noble magazine).

Mais c’est là que le bat blesse. Ignorer cette aspiration, c’est jeter un voile pudique sur une frange des électeurs qui ne se retrouvent pas dans le processus démocratique. Au point de porter tous leurs espoirs sur un avenir qui, il faut bien se l’avouer, n’a que bien peu de chances de se réaliser.
Quand la campagne présidentielle française se lance par un débat entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, j’y verrais un symbole. Et pas un bon. Plutôt du niveau de la pluie de sauterelles ou d’une visite du Surfer d’Argent (qui annonce la venue de Galactus le dévoreur de planètes comme tout le monde le sait… hum).
Est-ce donc ça aujourd’hui le cœur du débat ? Populisme contre populisme ? Anti-immigration contre anti-journalisme ? Petites phrases sur la 2nde guerre mondiale contre soutien inconditionnel au régime chinois (contre le Tibet s’il le faut) ? On va se rassurer hein, c’est surtout du buzz, de l’occupation d’antenne facile et un petit jeu avec ceux qui se sont déjà déclarés dans la course à la présidentielle. Mais pas que. Et ça, les sondages le montrent bien. Comme dans toute l’Europe, le populisme a la côte et c’est un symptôme assez moche de la crise.

Un débat Mélenchon-Le Pen : je préfère encore un bonhomme argenté et tout nu philosophant sur la fin du monde.

Quel rapport entre populisme et révolution ? Depuis Poujade, le populisme français ne peut faire un programme sans promettre dedans une « rupture » (tiens, ça me rappelle quelque chose). Cette rupture prend racine dans le « Tous pourris » et promet la mise à bas de tous ceux ayant un jour posé le pied dans les institutions dirigeantes. Pourquoi ?
Parce que la situation économique est merdique et ne risque pas de s’améliorer. Tout le monde est relativement conscient que les acquis sociaux sont en voie de disparition. Surtout, localement, personne n’a de solution pour redresser la barre à court terme vu que tout se joue à l’international avec notre bien-aimé capitalisme mondialisé.
Et, en vrac, la sortie de l’Euro(pe), la nationalisation de toutes les banques, le rétablissement de la peine de mort ou l’interdiction pure et simple des plus hauts salaires sont des mesures « révolutionnaires » (c'est-à-dire à même de changer notre société en profondeur). Certains espèrent donc qu’elles seront capables de nous sortir de l’ornière où nous nous trouvons. Problème : les politiques actuels sont trop responsables pour aller chercher des « solutions » pareilles. Solution : qu’ils dégagent !
A menaces extrêmes, normal d’aller chercher des réponses « extrêmes », me direz-vous ? Évidemment non. Même si la tentation est grande chez les partis dits « de gouvernement » de jouer avec cette tendance, il est indispensable de conserver notre consensus républicain et démocratique. Si l’impératif moral n’est pas déjà une raison suffisante, il faut au moins être conscient que si la France se referme sur elle-même, elle ne fera que perdre les dernières forces qui lui restent : son appartenance à l’Europe et sa position de pays capitaliste et démocratique qui lui permettent de supporter pour l’instant la pression des marchés (compte tenu de son statut économique pas si enviable).

On aurait pas l'air con avec Marine Le Pen en couverture du Times.

Espérons-donc que le paysage politique français va s’éloigner rapidement des extrêmes pour recentrer les débats sur des questions réalistes et surtout démocratiques. Je reste persuadé que les politiques ont toute latitude pour réorienter les sujets et que la mode populiste actuelle vient surtout d’en haut et pas d’en bas.
C’est comme dans l’univers des loisirs et du divertissement, la meilleure excuse pour proposer du contenu pourri (crossovers à foison ou films en 3D sans scénario) est « Nous donnons aux clients ce qu’ils attendent ». Mais nous devons toujours répondre : « Plutôt que de leur donner ce qu’ils veulent, donnons leur ce qui est bon pour eux ».

Le niveau 0 de la politique.

Dis comme ça, je me rends compte que c’est un discours particulièrement élitiste voire méprisant. Mais les politiques devraient l’adopter pour notre bien à tous et à toutes. Vous êtes d’accord ?